Spéculation financière, changement climatique ou gaspillage menacent la sécurité alimentaire mondiale…
Demain, aurons-nous tous faim ? La Journée mondiale de l’alimentation, le 16 octobre, est l’occasion de remettre sur la table des chiffres impressionnants: 868 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, selon les derniers chiffres de l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), tandis que dans les pays développés, 40% de la nourriture produite est gaspillée chaque année, selon un rapport de la FAO publié en 2008. Derrière ce paradoxe, la perspective de devoir nourrir neuf milliards de bouches fait craindre une pénurie alimentaire globale. Pourquoi l’humanité pourrait-elle manquer de nourriture ?
Le climat est mauvais pour l’agriculture
Avec la multiplication, prévue par les climatologues, des phénomènes météorologiques intenses type tornades, sécheresses ou précipitations violentes, les récoltes pourraient devenir de plus en plus aléatoires. Déjà cette année, la forte sécheresse qui a touché les Etats-Unis a mis à mal les réserves de céréales: selon la FAO, les Etats-Unis n’auraient actuellement en stock que 6,5% du maïs qu’ils consommeront dans l’année, un record historiquement bas.
Spéculation sur la nourriture
Conséquence de la diminution des stocks, les prix de l’alimentaire s’emballent. Selon un rapport de Food Price Watch, entre septembre 2011 et septembre 2012, les prix du maïs et du blé ont augmenté d’environ 25%, rendant encore plus difficile pour les populations pauvres l’accès à la nourriture. Mais il n’y a pas que des raisons «naturelles» au renchérissement des denrées: beaucoup d’ONG, à l’image des Amis de la Terre, dénoncent la spéculation financière sur les matières premières.
Des céréales dans le moteur
Autre cause de la flambée des prix alimentaires, les agrocarburants sont souvent montrés du doigt. Pour beaucoup d’ONG, il est intolérable de mettre dans nos voitures des céréales qui pourraient nourrir les hommes. Néanmoins, l’impact réel de ces cultures sur l’alimentation reste discuté : d’après les estimations d’Agrimonde, seulement 5% des calories végétales produites dans le monde sont destinées aux usages non alimentaires et l’Agence internationale de l’énergie avait calculé en 2005 que 1% des terres cultivées servaient à produire des agrocarburants.
Un modèle agricole dicté par la concurrence
Il n’empêche que les terres cultivables se font de plus en plus rares et que l’accroissement démographique pousse certains pays à sécuriser leur alimentation en achetant des terres agricoles à l’étranger. «L’Asie sera en déficit agricole intense dans les trente à quarante prochaines années, c’est pour cela qu’elle achète des terres en Amérique du sud ou en Afrique», expliquait l’hydrologue Ghislain de Marsily à 20Minutes, à l’occasion d’un colloque sur l’eau. Ce phénomène «d’accaparement de terres», régulièrement dénoncé par les ONG, menace l’alimentation des populations locales dans des régions souvent déjà défavorisées par un modèle agricole dicté par la concurrence mondiale : «On met en concurrence des gens équipés de tracteurs et de moissonneuses batteuses avec des gens qui travaillent à la main et sont donc contraints d’accepter les prix qui proviennent de l’exportation de nos surplus. C’est bien ça qui est la cause de la faim dans le monde», affirme l’agronome Marc Dufumier.
Trois hamburgers par semaine, ce ne sera pas pour tout le monde
Et si tout le monde mangeait comme un Américain ? Avec la hausse du pouvoir d’achat dans des pays très peuplés comme la Chine, la consommation de viande explose et avec elle le besoin en céréales pour alimenter le bétail, en eau pour cultiver ces céréales et en surface pour élever les animaux. Les trois hamburgers hebdomadaires de l’Américain moyen ne pourront pas devenir le lot de neuf milliards d’humains. Sans compter le gaspillage dont les sociétés occidentales sont devenues expertes: «On surproduit à l’échelle internationale : pour nourrir correctement un homme, il faut produire 200 kilos de céréales, or la production mondiale est de 335 cette année. Ces 135 kilos représentent le gaspillage dans nos sociétés du Nord, l’alimentation du bétail et la fabrication d’éthanol pour nos voitures», rappelle Marc Dufumier.
Audrey Chauvet
Source : 20minutes.fr